Qu'est-ce que l'ingénierie de formation
L’ingénierie de formation est une discipline récente, apparaissant seulement à la fin des années 70. Elle évolue continuellement grâce aux nombreux travaux de recherche en sciences de l’éducation.
Philippe Clauzard, enseignant chercheur et docteur en formation des adultes et en sciences de l’éducation, la définit comme étant « un ensemble de démarches méthodiques et cohérentes qui sont mises en œuvre dans la conception d’actions ou de dispositifs de formation afin d’atteindre efficacement l’objectif visé ».
Nous nous baserons notamment sur les travaux de Thierry Ardouin, professeur au laboratoire CIRNEF de l'université de Rouen Normandie et responsable du master Sciences de l'éducation et de la formation.
Dans son ouvrage Ingénierie de formation pour l'entreprise, Thierry Ardouin détermine l’ingénierie de formation comme étant une démarche structurée permettant d’accompagner de manière éclairée les collaborateurs et surtout d’anticiper les besoins et les changements au sein d’une organisation.
C’est aussi lui qui délimite la structuration en 4 phases, annoncées dès le sous-titre du livre : analyser, concevoir, réaliser, évaluer. Ce sont ces différentes étapes que nous allons voir ensemble.
Étape 1 : Analyser la demande de formation
L’objectif de cette première étape est d’identifier et d’analyser les besoins existants : contexte, enjeux, public ciblé, thématique… Et de définir s’il est nécessaire de mettre en œuvre une formation.
Cette analyse doit s’attarder sur plusieurs éléments, notamment les objectifs des apprenants, mais aussi ceux des dirigeants. En entreprise, les besoins émanent souvent de la différence entre un profil professionnel souhaité par la direction (générale ou RH) et les compétences réelles évaluées par l’entreprise, ou par le collaborateur lui-même. L’objectif est d’éliminer cette différence, ou tout du moins de la réduire de manière significative.
Pour analyser les besoins, l’ingénieur de formation doit opérer un certain nombre de démarches actives : évaluer les précédentes formations (au sein de l’entreprise et via les expériences individuelles), faire passer des entretiens ou récupérer l’information des entretiens annuels, élaborer des enquêtes, confronter les opinions… Parallèlement, l’ingénieur évalue le marché de l’emploi, de la formation et de la reconversion professionnelle.
L’analyse doit déboucher sur un cahier des charges. Il y est précisé la population ciblée, les objectifs concrets de la formation, certains éléments de contenu, ainsi que le dispositif d’évaluation prévu. À ces éléments s’ajoutent les contraintes, qu’elles soient temporelles ou budgétaires. Une fois le diagnostic posé, le besoin est clarifié. Il est alors possible de mettre en place le projet de formation.
Étape 2 : Choisir le ou les dispositif(s) de formation
Durant cette deuxième phase, l’ingénieur de formation conçoit le projet de formation. Il sélectionne les différents dispositifs les plus appropriés pour répondre efficacement aux besoins et aux contraintes définis précédemment dans son cahier des charges.
Formation continue ? Formation présentielle ? Coaching ? E-learning ? Mobile learning ? Expériences conversationnelles ?
C’est à ce moment-là que l’ingénieur de formation doit se poser toutes ces questions. Il s’appuie également sur de nombreux éléments :
- Catalogues de formation proposés par ses prestataires ou recherche de nouveaux prestataires
- Référentiels de compétences professionnelles
- Plan de formation
- Budget alloué ou budget prévisionnel pour la formation
- Veille technologique (nouveaux outils sur le marché)
Le projet de formation est maintenant conçu et formalisé. À mi-parcours, l’ingénieur de formation connaît le type de formation souhaité, le ou les sujets traités, les compétences nécessaires et visées, les intervenants et les outils pédagogiques, ainsi que le coût de la formation.
Étape 3 : Piloter la formation
Troisième étape : le cœur même de la formation.
Ici, l’ingénieur de formation ne prodigue pas l’apprentissage. Il ne dirige pas les modules mais son rôle est de s’assurer que tout se passe comme il l’a prévu dans son projet de formation.
Ainsi, il pilote le plan, coordonne les actions des différentes parties prenantes (formateurs, prestataires), s’assure que les apprenants ont accès aux ressources nécessaires pour le développement de leurs compétences, veille au respect du planning et effectue le suivi des actions auprès des apprenants et des prestataires.
Étape 4 : Évaluer la formation
Enfin, en dernière étape, l’ingénieur devra évaluer la formation et déterminer si celle-ci est une réussite.
L’évaluation va se porter sur :
- Les apprenants → Ont-ils acquis de nouvelles connaissances ? Ont-elles été transformées en compétences ?
- L’organisme de formation, les outils utilisés, les formateurs → ont-ils été performants et fiables ? Ont-ils réussi à transmettre les compétences ?
Elle peut être qualitative (satisfaction des apprenants), quantitative (nombre d’heures réalisées) ou encore financière ; généralement l’analyse sera transversale. Dans tous les cas, elle doit permettre de confronter les objectifs fixés avec les résultats réellement obtenus, et ainsi de définir si la formation correspond à la demande et aux besoins, si le budget et le planning sont respectés et si elle permet un retour sur investissement.
Comme l’ingénieur de formation est dans une logique d’itération, la phase d’évaluation entre dans une optique d’amélioration continue. Le but est de mieux préparer les futures formations et d’anticiper les difficultés qui y sont liées.
Pour conclure, on voit que l’ingénieur de formation effectue un travail minutieux. Heureusement, il collabore avec plusieurs acteurs dans les différentes phases, notamment les ingénieurs pédagogiques (d’ailleurs mieux connus) qui ont un rôle central dans la mise en place des dispositifs d’évaluation, dans le suivi des actions et dans leur évaluation.
Les quatre étapes de l’ingénierie de formation - analyser, concevoir, réaliser et évaluer - peuvent paraître évidentes, voire simplistes, mais il est important de n’en oublier ou négliger aucune. Pour reprendre le parallèle avec la construction d’une maison, si on a un super terrain, un super plan, de bons ouvriers mais que l’on utilise que des mauvais matériaux, la maison ne va pas tenir longtemps.